DA MOURRE — Le nom comme seuil.
Du nom civil au nom signe.
Longtemps, j’ai signé Daniel Mourre. C’était le nom de l’homme, celui de l’état civil, celui que l’on porte sans le choisir vraiment.
Mais il y a quelque temps, j’ai éprouvé le besoin de traverser cette frontière : non pas pour effacer Daniel, mais pour le condenser, le transmuter.
En supprimant la seconde syllabe de Daniel, il restait DA — une abréviation que je jugeais alors trop légère, presque séductrice, comme si le hasard de la sonorité “d’amour” venait affaiblir la gravité de ma démarche.
Je ne voyais pas encore que ce signe contenait un sens plus profond. Puis j’ai découvert que mon deuxième prénom, inscrit sur ma carte d’identité, était André. Ce détail, anodin en apparence, a soudain donné légitimité à ce DA.
Ce n’était plus une invention, mais la révélation d’un nom intérieur, déjà présent, déjà mien.
Ainsi est né DA Mourre — contraction, condensation, métamorphose.
Le signe et la finitude
Changer de signature n’est pas un geste anodin.
C’est un acte existentiel, presque performatif : il ne s’agit pas seulement de nommer, mais d’affirmer une vision du monde. Le nom DA Mourre contient en lui-même la tension fondamentale de mon œuvre.
DA évoque le don, l’élan, l’origine, en latin.
En italien, da signifie « depuis », « à partir de » — le point de départ.
Mourre résonne avec mourir du latin.
Entre ces deux pôles, se joue tout mon travail :
le don et la disparition,
la présence et son effacement,
l’amour et la finitude.
Le nom devient alors une formule symbolique, un memento : toute création naît d’un don, mais toute forme porte déjà sa propre extinction.
Le finitisme incarné
Je me définis comme un finitiste.
Non pas par pessimisme, mais par lucidité : l’homme est un être fini, et c’est cette finitude qui donne à sa vie, à son geste, à sa parole, leur densité.
L’art ne nie pas cette finitude ; il la rend visible, sensible, partageable.
Dans mes œuvres, la matière, la lumière, le temps agissent comme des métaphores de cette tension : tout ce qui naît s’efface, tout ce qui s’efface laisse trace.
Mon ancienne signature, Daniel Mourre, portait déjà ce rapport à la mort, mais elle restait biographique.
DA Mourre, elle, incarne la pensée finitiste :
elle met la finitude au cœur même du nom, dans la structure du signe.
Le nom devient un champ de forces où se rencontrent le don et le déclin.
Le spectateur et la résonance
Je ne cherche pas à adoucir mon propos, mais à le rendre plus habitable.
Le spectateur qui lit “DA Mourre” entend souvent “d’amour”.
Cette proximité sonore n’est pas un hasard : elle est le contrepoint à la gravité de “mourre”.
L’amour et la mort ne s’opposent pas : ils forment le cycle complet de l’existence.
Je souhaite que le spectateur ressente cette vibration — ni désespoir, ni consolation, mais une forme de lucidité tendre.
La conscience de la finitude n’est pas une condamnation ; c’est une manière d’aimer plus intensément ce qui passe.
Une cohérence critique
Pour un regard extérieur — celui du critique, du commissaire ou de l’historien —, ce changement de nom peut être lu comme un prolongement cohérent de ma démarche.
Comme Duchamp devenant Rrose Sélavy ou Boltanski effaçant son propre visage dans la trace, DA Mourre inscrit l’artiste dans la matière symbolique de son œuvre.
Le nom cesse d’être simple signature ; il devient matière plastique, idée active, expérience de finitude.
En signant DA Mourre, je ne signe plus seulement mes œuvres ;
je signe la condition même de l’homme qui les crée et qui s’efface.
Conclusion
Ainsi, DA Mourre n’est pas un nom nouveau, c’est une forme d’évidence.
Il ne détourne pas mon travail, il l’approfondit.
Il relie ce que je fais, ce que je dis et ce que je suis.
Il rappelle que tout geste humain est à la fois don et disparition — amour et mort.
DA Mourre : donner, aimer, mourir.
Trois verbes pour un même acte de présence.
Daniel MOURRE, dit :"D.A MOURRE" montre les dérives des sociétés humaines et la nécessité d'un changement rapide pour éviter d’arriver à des extrêmes inéluctables, et se confronter à la finitude programmée de l’Homme provoquée par une nature saccagée. Son art représente le mouvement artistique : le Finitisme.
Pour représenter l’impact de l’homme dans son environnement, D.A MOURRE a créé les séries propagations et imprégnations, à l’instar de César et de ses séries compressions et expansions. Pour soutenir sa démarche, contrairement à l’artiste Christo qui emballait les œuvres pour les montrer, Daniel Mourre déballe une bouche d’égout déposée sur une toile estampillée de son empreinte rouillée pour en montrer l’absence..
Pour cela, l’artiste se positionne comme un archéologue d’un futur très lointain qui découvrirait des traces et des fossiles de l'ère anthropocène.
La bouche d'égout, qui symbolise pour l'artiste la civilisation humaine industrielle, est ainsi déclinée à travers différentes techniques. Du fait de son antinomie, l’objet permet de mettre en avant les extrêmes constatés dans notre Société. Son matériau essentiel est vivant et complètement celui de la civilisation du métal: La rouille.
On peut voir ses œuvres comme les empreintes fossilisées d’une ère industrielle qui a perdu le sens et s’est anéantie. Les pièces qu’il donne à voir, rejoignent dans leur totale contemporanéité, une sorte de rappel d’art primitif, un nouvel art premier post effondrement.
Le public est interpellé par l'esthétique des œuvres qui est à la hauteur de la noirceur du constat ; lorsque le visiteur s’attarde sur la technique employée, alors l’absolue cohérence de l’ensemble s’impose à eux.